Tribunal d’Instance du

11ème arrt de Paris

36, rue du Chemin Vert

75011 PARIS

 

 

RG 11-03-000440

 

XXXXX

c/

S.F.R

JUGEMENT DU 24 février 2004

Contradictoire

 

 

DEMANDEUR :

 

Monsieur XXXXX, 44, rue XXXXXXX 75011, PARIS

Représenté par ME HENOUX Florence, avocat au barreau de

L’ESSONNE

 

DEFENDEUR :

           

Société Anonyme S.F.R, 1, place Carpeaux, Tour Séquoia

92915, PARIS LA DEFENSE CEDEX, représentée par Me METZ

Guillaume, avocat au barreau de VERSAILLES

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

 

Juge : MUZZIN Louisella

Greffier : Monsieur Gérard CHEMOUNY

 

DEBATS :

 

 Audience publique du : 25 novembre 2003

 

JUGEMENT :

 

Contradictoire en dernier ressort, prononcé publiquement le

24 février 2004 par MUZZIN Louisella, juge, assistée par Monsieur Gérard CHEMOUNY, Greffier.

 

 

 

 

 

 

 

 

Par acte d’huissier en date du 7 février 2003, Monsieur XXXXX a assigné la S.A.

S.F.R. à l’audience du 1er avril 2003 du tribunal de céans aux fins de voir :

 

-         déclarer Monsieur XXXXX recevable en son action,

-         en conséquence, constater que le contrat conclu entre les parties est résilié depuis le 5 décembre 2002 du seul fait fautif de la S.A. S.F.R.,

-         condamner la S.A. S.F.R. à lui payer les sommes suivantes, assorties de l’intérêt au taux légal à compter de la résiliation du contrat, soit le 5 décembre 2002 :

o       7,58 euros correspondant au trop-perçu par la S.A. S.F.R. pour l’abonnement courant du 5 au 12 décembre 2002,

o       1500 euros à titre de dommages et intérêts, à titre de réparation du préjudice subi par Monsieur XXXXX du fait de la privation de téléphone portable pendant plusieurs semaines,

-         faire application des dispositions de l’article 1154 du code civil,

-         condamner la S.A. S.F.R. au paiement d’une somme de 1200 euros sur le fondement de l’article 700 du NCPC, outre sa condamnation aux dépens,

-         ordonner l’exécution provisoire de la décision à venir nonobstant appel et sans caution.

 

Appelée une première fois à l’audience du 1er avril 2003, l’affaire a fait l’objet de trois renvois successifs à la demande des parties pour permettre l’échange de leurs pièces dans le respect du principe du contradictoire.

 

A l’audience des débats du 25 novembre 2003 Monsieur XXXXX expose qu’au mois de février 2000, il a acheté un pack S.F.R. comprenant un téléphone portable de marque MOTOROLA et une demande d’abonnement pour le prix d’un franc T.T.C.. Après 18 mois de fonctionnement il a souhaité changer de téléphone et, le 26 novembre 2001, la S.A. S.F.R. accédant à sa demande, lui a envoyé un appareil de marque ALCATEL 511 moyennant son réengagement pour une durée de 24 mois concernant l’abonnement. Rapidement le combiné a présenté un défaut de fonctionnement au niveau de son bouton central, ce qui a donné lieu à trois échanges standard, respectivement en mars, juin et septembre 2002, puis, le défaut persistant, à une réparation dans un centre qualifié, en sorte qu’il s’est trouvé privé de téléphone à la date du 5 décembre 2002. C’est dans ce contexte qu’il a procédé à la résiliation de son abonnement par courrier recommandé avec avis de réception du 6 décembre suivant. L’appareil n’étant plus couvert par la garantie, la défenderesse lui a restitué la carte SIM seule et s’est refusée à tout accord amiable, invoquant le non respect du préavis de deux mois en cas de résiliation par l’abonné, prétendant de surcroît facturer l’abonnement jusqu’à son terme normal, soit le 23 novembre 2003, et l’invitant pour seule solution à faire le choix d’un nouveau téléphone sur le catalogue. Il estime que la responsabilité contractuelle de la S.A. S.F.R. est engagée sur le fondement de l’article 1147 du code civil, dans la mesure où il a résilié son abonnement pour des raisons exclusivement imputables à cette dernière et conteste par ailleurs tous les moyens qu’elle soulève.

 

Au soutien de ses dires il fait valoir, à titre principal, que les multiples défaillances de l’appareil et l’incapacité de la SA. S.F.R à y remédier l’ont mis dans l’impossibilité de bénéficier du service de téléphonie mobile, les deux prestations (abonnement et téléphone) étant, en l’espèce, intimement liées eu égard au tarif avantageux consenti par l’opérateur pour cet achat groupé. A titre subsidiaire, il soutient que la clause du contrat autorisant la S.A. S.F.R. à continuer à percevoir les redevances d’abonnement jusqu’à la date d’expiration de celui-ci est une clause abusive en ce qu’elle instaure un déséquilibre significatif entre les parties, la défenderesse percevant ainsi un avantage sans aucune contrepartie alors même que c’est sa propre défaillance qui est à l’origine de l’interruption du service. Il sollicite donc le Tribunal qu’il annule ladite clause affirmant en outre que, contrairement à ce que prétend la S.A. S.F.R., la preuve n’est pas rapportée d’une mauvaise utilisation de sa part qui expliquerait la panne du téléphone. Il en veut pour preuve les témoignages de plusieurs utilisateurs du même téléphone, signalant sur des sites Internet spécialisés en la matière, avoir constaté un défaut strictement identique sur le bouton central de leur appareil. Il maintient en conséquence l’intégralité de ses prétentions et conclut au débouté de la défenderesse de l’ensemble de ses demandes.

 

 

La S.A. S.F.R. reconnaît dans ses écritures qu’elle a vendu à Monsieur XXXXX, au mois de novembre 2001, le téléphone ALCATEL 511 à des conditions préférentielles, en contrepartie d’un réengagement de sa part pour une période minimale de 24 mois expirant le 25 novembre 2003. Elle explique que si le combiné a effectivement été changé trois fois à titre commercial, rien ne prouve cependant qu’il ait présenté un vice caché le rendant inutilisable, ce que d’ailleurs le demandeur n’établit pas. Elle soutient au contraire que ce sont les conditions d’utilisation de cet appareil par ce dernier qui sont à l’origine des difficultés inédites qu’il a rencontrées avec ce téléphone. Ayant, en ce qui la concerne, exécuté ses obligations contractuelles, à savoir la fourniture du modèle choisi par le client et l’accès à son réseau, elle s’estime bien fondée à facturer l’abonnement jusqu’à son expiration, contestant tout caractère abusif à la clause litigieuse, invoquant en cela un jugement rendu le 17 mars 1999 par une juridiction dans l’affaire où UFC QUE CHOISIR était partie, ce qui rend irrecevable la demande formée à ce titre par Monsieur XXXXX en raison de l’autorité de la chose jugée. Elle conteste en outre la réalité du préjudice allégué par celui-ci dans la mesure où il pouvait parfaitement continuer à accéder à son réseau en utilisant sa carte SIM avec un autre téléphone (les deux services étant distincts l’un de l’autre) et où il a souscrit un forfait pour un usage personnel, ce qui le prive du droit à réparation d’un préjudice professionnel. Elle conclut donc au débouté de toutes ses fins et requiert du Tribunal qu’il reçoive en sa demande reconventionnelle en le condamnant à lui payer les sommes de 316,14 euros avec intérêts de droit à compter du 20 février 2003 et jusqu’à parfait paiement, ainsi que celle de 600 euros au titre de l’article 700 NCPC.

 

 

MOTIFS :

 

Sur les demandes principales de Monsieur XXXXX :

 

Sur la résiliation du contrat d’abonnement :

 

 

Il ressort des pièces versées aux débats et explications des parties :

 

-         que Monsieur XXXXX a souscrit le 12 décembre 1999 un contrat d’abonnement aux services de téléphonie mobile proposés par la S.A. S.F.R. d’une durée indéterminée mais avec une période minimale de 12 mois ; que selon les conditions générales qui le régissent, ce contrat peut être résilié par l’abonné à tout moment après expiration de cette période minimale par lettre recommandée avec avis de réception, moyennant un préavis de 60 jours calculé à partir de son jour J. ;

 

-         que sur sa demande il a reçu, le 26 novembre 2001, un téléphone portable de marque ALCATEL 511, offre qualifier d’exceptionnelle par la S.A. S.F.R, réservée à ses meilleurs clients, et conditionnée à une nouvelle période d’abonnement à son réseau d’une durée de 24 mois à compter de l’enregistrement de la commande, soit le 23 novembre 2001, ainsi qu’il résulte expressément de sa lettre du même jour ; que la contrepartie de cet engagement était un prix particulièrement avantageux de 75 euros ;

-         qu’au mois de mars 2002, soit quatre mois après sa livraison, le téléphone a présenté une panne récurrente, affectant toujours la même pièce, en l’occurrence son bouton central, et qu’il a fait l’objet de trois échanges standard respectivement les 21 mars, 14 juin et 14 septembre 2002 ; qu’il a subit une panne identique justifiant son expédition dans un centre de réparation le 5 décembre suivant ; qu’à cette date Monsieur XXXXX s’est trouvé privé d’appareil, ce qui l’a conduit à résilier son abonnement dès le lendemain par courrier adressé à la défenderesse ;

-         que la S.A. S.F.R. appliquant le délai de préavis de deux mois prévu au contrat, a considéré que la résiliation prenait effet le 11 février 2003 et qu’en raison de son caractère anticipée, elle entraînait la facturation des redevances restant à courir jusqu’à terme normal de l’abonnement, soit le 23 novembre 2003.

 

 

En premier lieu et contrairement à ce que soutient la S.A. S.F.R. son offre du 23 novembre 2001 s’analyse comme un tout indivisible portant, selon ses propres termes, sur l’achat d’un téléphone mobile et la souscription d’un nouvel abonnement. Il apparaît en effet que ces deux prestations sont conditionnées l’une par l’autre et que le tarif exceptionnel consenti au client sur le prix de l’appareil est la contrepartie évidente d’un réengagement de sa part pour une durée au demeurant plus longue que la durée minimale prévue au contrat. Dès lors la défenderesse ne saurait valablement soutenir que Monsieur XXXXX pouvait continuer à bénéficier de l’accès à son réseau malgré l’indisponibilité de son téléphone, la dissociation des deux prestations entraînant immanquablement pour lui la perte des conditions financières initiales qui, en l’espèce, l’on déterminé à contracter (achat d’un nouveau téléphone à un prix sans commune mesure avec celui payé ou conclusion d’une nouvelle offre indivisible avec réengagement sur 24 mois).

 

En second lieu il est constant que le combiné a présenté dès les premiers mois de son usage un dysfonctionnement persistant sur son bouton central qui a engendré quatre pannes successives à brefs intervalles et nécessité trois échanges standard sans, qu’en définitive, il ait été remédié au problème. La fréquence de ces pannes affectant toujours le même élément, l’impossibilité de le remettre en état dans le délai de la garanti démontre qu’il présentait, à l’évidence, un vice inhérent empêchant un usage normal. Le moyen invoqué par la S.A. S.F.R. tiré des conditions de son utilisation par Monsieur XXXXX et avancé sans la moindre preuve de nature à en établir le bien fondé, ne peut prospérer dans la mesure où son prestataire de service a accepté de l’échanger à trois reprises sans jamais formuler la moindre observation de cette nature et sans procéder à des investigations techniques permettant de déterminer avec certitude l’origine de sa défaillance. Il en découle que la défenderesse a failli à une obligation substantielle du contrat, à savoir la délivrance du téléphone choisi par le client en état de marche normal, et qu’elle doit, de ce fait, être tenue pour seule responsable de l’impossibilité matérielle dans laquelle Monsieur XXXXX s’est trouvé d’utiliser son téléphone et, par voie de conséquence, son abonnement. Ce manquement étant constitutif d’une faute contractuelle, ce dernier est bien fondé à soutenir que, faute pour la défenderesse de lui avoir proposé des solutions de remplacement équivalentes à celles du contrat initial, c’est à juste titre qu’il a résilié son abonnement à compter du jour où il n’a plus eu jouissance effective de son téléphone, soit le 5 décembre 2003, et ce, sur le fondement de l’article 1184 alinéa 1 du code civil.

 

En dernier lieu la clause invoquée par la S.A. S.F.R. pour justifier sa demande de perception des redevances d’abonnement jusqu’à la fin de celui-ci constitue une clause abusive et, de ce fait, doit être réputée non écrite. En effet aux termes de l’article L.132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Le caractère abusif de la clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. En l’espèce il est établi que Monsieur XXXXX n’a pu, pour des raisons indépendantes de sa volonté et de surcroît totalement imputable à la S.A. S.F.R., utiliser son téléphone aux conditions initialement convenues entre les parties. Dès lors la clause permettant à la défenderesse de continuer à percevoir les redevances, nonobstant l’interruption du service, est manifestement abusive en ce qu’elle lui confère un avantage pécuniaire dépourvu de toute contrepartie, élément caractéristique d’un déséquilibre significatif entre les parties. A cet égard le moyen tiré de l’irrecevabilité de la demande de Monsieur XXXXX au motif de l’existence d’un précédent jugement concernant une association de consommateurs est dépourvu de fondement juridique, l’autorité de la chose jugée s’attachant aux décisions rendues lorsque la cause et les parties sont identiques, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

 

Il s’ensuit que Monsieur XXXXX est fondé à obtenir réparation du préjudice subi du fait du manquement de la S.A. S.F.R. à ses obligations contractuelles.

 

Sur la réparation du préjudice :

 

La résiliation du contrat ayant pris effet le 5 décembre 2002, il y a lieu de condamner la S.A. S.F.R. à payer à Monsieur XXXXX la somme de 7,58 euros correspondant au trop-perçu sur l’abonnement entre le 5 et le 12 décembre 2002, soit entre la résiliation et le prélèvement opéré sur son compte.

 

Par ailleurs Monsieur XXXXX a subi un préjudice lié à l’impossibilité d’utiliser son téléphone portable à des fins personnelles, et ce, pendant plusieurs semaines. Au vu des circonstances de la cause, ce préjudice sera équitablement réparé par l’allocation d’une somme de 500 euros.

 

Ces sommes porterons intérêts au taux légal à son profit à compter de la demande en justice, soit de l’assignation du 7 février 2003. Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 1154 du code civil dès lors qu’il s’agit d’intérêt dus au moins pour une année entière.

 

 

 

Sur les demandes reconventionnelles de la S.A. S.F.R. :

 

Compte tenu des motifs de la présente décision, il convient de débouter la S.A. S.F.R. de l’intégralité de ses demandes formées à ce titre.

 

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur XXXXX la totalité des frais irrépétibles qu’il a exposés et qui ne sont pas pris dans les dépens. Une somme de 200 euros lui sera accordée de ce chef.

 

La nature de l’affaire et le sort réservé aux diverses demandes ne justifie nullement d’assortir le présent jugement de l’exécution provisoire, étant observé de surcroît qu’il est rendu en dernier ressort eu égard au montant du litige.

 

 

 

PAR CES MOTIFS :

 

 

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en dernier ressort,

 

Constate que la résiliation du contrat liant les parties est intervenue le 5 décembre 2002,

 

Déclare abusive, au sens des dispositions de l’article L.132-1 du code de la consommation, la clause du contrat autorisant la S.A. S.F.R. à continuer à percevoir les redevances jusqu’à l’expiration de l’abonnement en cas de résiliation par l’assuré,

 

 

Dit en conséquence que cette clause est réputée non écrite,

 

Condamne la S.A. S.F.R. à payer à Monsieur XXXXX la somme de 7,58 euro à titre de trop-perçu pour la période comprise entre le 5 et le 12 décembre 2002,

 

Condamne la S.A. S.F.R. à payer à Monsieur XXXXX la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,

 

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 7 février 2003,

 

Dit qu’il sera fait application des dispositions de l’article 1154 du code civil dès que ses conditions posées par ce texte seront réunies,

 

Rejette l’entier surplus des demandes des parties,

 

Condamne la S.A. S.F.R. à payer à Monsieur XXXXX la somme de 200 euros sur le fondement de l’article 700 du NCPC.

 

Condamne la S.A. S.F.R. aux dépens.

 

 

 

AINSI FAIT ET JUGE EN AUDIENCE PUBLIQUE LES JOUR, MOIS ET AN INDIQUES CI-DESSUS.

 

accueil | haut de la page | version graphique