TRIBUNAL D'INSTANCE DE PERIGUEUX
5, rue Maleville

24000 PERIGUEUX

tel : 05.53.53.17.42

 

RG N° 11-01-000572

Minute : 963

JUGEMENT

Du : 28 Juin 2002

D Anne Marie

C/

SFR

 

 

 

 

 

JUGEMENT



A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 28 Juin 2002 ;

Sous la Présidence de Georges GARDIE, Juge d'Instance, assisté de HOUSSAYE Chantal, Greffier, n'ayant pas assisté au délibéré

Après débats à l'audience du 24 mai 2002, le jugement suivant a été rendu;

ENTRE

DEMANDEUR(S) :

Madame D Anne Marie rue 24000 PERIGUEUX, comparant en personne

ET :

DEFENDEUR(S) :

SFR Tour Séquoia 1 Place Carpeaux, 92915 PARIS LA DEFENSE, représenté(e) par Me DUPEYRON, avocat du barreau de PARIS

 

JUGEMENT

 

EXPOSE DU LITIGE

Anne-Marie D a souscrit le 12 janvier 2000 un contrat d'abonnement de téléphonie mobile commercialisé par la Société Française de Radiophonie dite SFR dans le cadre d'une promotion accessible entre le 1er décembre 1999 et le 16 janvier 2000.

Ce contrat dénommé SWEG (forfait heures soir et week-end gratuites), conclu pour une durée indéterminée avec une durée initiale de 18 mois, octroie pour un prix mensuel de 250 Francs un temps forfaitaire de communication de 2 heures, et un temps illimité de communication en semaine, du soir 20 heures au lendemain matin 8 heures, et les week-ends du vendredi soir 20 heures au lundi matin 8 heures.

L'opérateur a augmenté la redevance mensuelle de ce forfait au montant de 270 Francs à compter du 1er mars 2001.

Par déclaration au greffe en date du 22 mai 2001, Anne-Marie D a saisi le Tribunal d'Instance de PERIGUEUX aux fins de :

- dire et juger que la publicité portant sur le forfait SWEG est contraire à l'article L121-1 du Code de la consommation et engage la responsabilité délictuelle de la société SFR ;

- dire et juger que la société SFR a commis un agissement illicite en augmentant la redevance perçue par ce forfait sans l'accord exprès des consommateurs co-contractants.

- voir la société SFR condamnée au paiement de la somme de 609 Euros de dommages-intérêts au titre de la modification unilatérale et illégale du prix de l'abonnement,

- voir la société SFR condamnée au paiement de la somme de 12 Euros au titre de la restitution des sommes trop-perçues depuis le 1er mars 2001.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que la société SFR a engagé sa responsabilité délictuelle en se livrant à travers l'offre d'abonnement à une publicité mensongère au regard de l'article L121-1 du Code de la Consommation, puisque sa rédaction pouvait légitimement laisser croire au consommateur que le prix de l'abonnement ne connaîtrait pas de variation pendant la durée du forfait, du moins durant la période de 18 mois mentionnée dans la publicité.

Anne-Marie D excipe de surcroît de la violation manifeste par la société SFR de l'article 1134 du Code Civil, par le non respect de l'intangibilité du contrat, l'introduction d'une clause laissant l'augmentation du prix à la discrétion de l'opérateur et face à laquelle l'abonné ne dispose que de la possibilité de résiliation. Elle souligne également le non-respect de l'article L132-1 du Code de la consommation qui sanctionne les clauses abusives établissant un déséquilibre manifeste entre le professionnel et le consommateur, et rappelle à cet égard les recommandations de la commission des clauses abusives qui prohibent la modification unilatérale des prix en cours d'exécution du contrat. Elle justifie du montant de sa demande de dommages-intérêts par le risque probable de nouvelle augmentation de ses tarifs par la société SFR, au regard de cette première augmentation de 8% intervenue seulement 14 mois après l'origine du contrat.

En réplique, la société SFR conclut au débouté de la demanderesse de l'ensemble de ses prétentions et sollicite la condamnation de cette dernière au paiement d'une somme de 400 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle expose que d'une part, Anne-Marie D a expressément accepté les conditions générales d'abonnement SFR qui contiennent de manière explicite une clause de révision du prix qui ne peut être qualifiée de clause abusive, dans la mesure où l'abonné bénéficie à tout moment d'une faculté de résiliation du contrat ; elle souligne à cet égard que Anne-Marie D ne saurait utilement se référer à la recommandation de la commission des clauses abusives en matière de téléphonie mobile, s'appliquant aux contrats à durée déterminée et prohibant les clauses qui autorisent une modification unilatérale des prix en cours, à la différence justement d'une clause de révision des prix parfaitement licite.

Elle souligne d'autre part que l'analyse complète du message publicitaire versé aux débats démontre que SFR n'a jamais tenté de tromper les consommateurs sur les caractéristiques essentielles du forfait SWEG, la demanderesse ne démontrant d'aucune manière que le message invoqué contenait soit des éléments faux, soit de nature à induire en erreur le consommateur, comme en dispose l'article L121-1 du Code de la Consommation. Elle précise que la publicité ne garantissait nullement le maintien de la redevance à 250 Francs pendant la période initiale d'abonnement, et ajoute qu'en toute hypothèse, le maintien du prix pendant la durée minimale ne constituait pas l'élément caractéristique et attractif de l'offre.

MOTIFS

1. Sur la publicité mensongère

ATTENDU qu'en vertu des dispositions de l'article L121-1 du Code de la Consommation, est trompeuse toute publicité comportant "des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur" portant sur l'existence, la nature, les qualités substantielles, le prix ou les conditions de vente du service objet de la publicité ;

ATTENDU que le message publicitaire doit être apprécié en lui-même, au moment de sa communication au public, les précisions ultérieurement apportées par ses responsables dans un document distinct ne pouvant avoir pour effet de supprimer le caractère fallacieux des indications initialement données aux acquéreurs potentiels ;

ATTENDU qu'en l'espèce, la formule publicitaire utilisée et produite aux débats stipule " vos communications gratuites, sans limite et à vie tous les soirs et week-end, 2H 7j/7 avec les heures Soir et Week-ends gratuites et sans limite 250 Francs par mois*
* Durée minimale d'abonnement 18 mois pour 250 Francs par mois,

ATTENDU que l'offre ainsi proposée apparaît particulièrement explicite, quand bien même elle ne garantirait à aucun moment le maintien de ce tarif, puisque aucun des documents publicitaires ne comporte de clause relative à la modification du prix de l'abonnement avant l'expiration du forfait;

ATTENDU qu'en dépit de cette omission de nature à séduire le consommateur, la société SFR a augmenté le prix de son abonnement à compter du 1er mars 2001, soit avant l'expiration de la durée minimale de 18 mois, de sorte que les indications initialement données dans la publicité diffusée pour ce contrat SWEG apparaissent mensongères ; qu'à cet égard, il importe peu que les précisions ultérieurement apportées par la société SFR dans ses contrats d'abonnement aient expressément fait référence à une clause de révision des prix, la publicité mensongère étant constituée de manière instantanée par la diffusion de l'information et devant être appréciée au moment de sa communication au public ;

ATTENDU qu'il y a donc lieu de constater que la société SFR n'a pas respecté ses engagements pris dans la publicité incriminée, qui présente un caractère trompeur, le prix constituant un élément substantiel de la convention liant les parties, quel que soit le caractère attractif de l'offre et quand bien même cet élément attractif résiderait davantage dans le caractère illimité de la gratuité des communications durant certaines plages horaires, que dans le coût mensuel de l'abonnement ; ATTENDU qu'il convient de condamner la société SFR à payer à Anne-Marie D la somme de 12 Euros à titre de dommages-intérêts, pour la réparation du préjudice résultant du montant indûment perçu par ladite société pendant la durée minimale de 18 mois du forfait.

2. Sur l'existence d'une clause de révision du prix dans le contrat d'abonnement.

ATTENDU qu'aux termes de l'article 1134 du Code Civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'à cet égard, lorsque les conventions sont claires et précises, aucune considération d'équité n'autorise le juge à modifier, sous prétexte de les interpréter, les stipulations qu'elle renferme ; qu'en l'espèce, le contrat produit aux débats comporte la mention 'Je reconnais avoir reçu un exemplaire des conditions générales d'abonnement et des tarifs" tandis que l'article 8.1 dénommé "Conditions financières" stipule que les tarifs des services et les frais de mise en service ainsi que les modalités d'application font l'objet d'une documentation établie et mise à jour par SFR à l'intention de ses abonnés ;

ATTENDU de surcroît que l'article 14.1 des conditions générales d'abonnement intitulé "Fin de contrat-résiliation" prévoit la résiliation unilatérale par l'abonné lorsque les tarifs des services en vigueur à la date de souscription de l'abonnement augmentent en cours de contrat ;

ATTENDU qu'aux termes de l'article 1161 du Code Civil, toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier ; qu'ainsi, il ressort de la combinaison des stipulations contractuelles que l'opérateur a manifesté dans son article dénommé "Conditions financières" son intention suffisamment claire et précise d'introduire une clause de révision des prix, à l'encontre de laquelle les dispositions de l'article 1129 du Code Civil ne sauraient s'appliquer, l'abus dans la fixation du prix ne donnant lieu qu'à résiliation ou indemnisation.

3. Sur le caractère abusif de la clause de révision

ATTENDU que l'article L132-1 du Code de la Consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, étant précisé que l'appréciation de ce caractère abusif ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au service offert ;

ATTENDU que la commission des clauses abusives a ainsi considéré dans sa recommandation du 28 mai 1999 comme abusive la clause autorisant le professionnel à imposer de nouveaux tarifs en cours de contrat à durée déterminée par simple information au consommateur ;

ATTENDU cependant qu'en l'espèce, la modification unilatérale des tarifs par la société SFR dans un contrat à durée indéterminée mais avec une période minimale de 18 mois autorise l'abonné à résilier son contrat à tout moment et se trouve compensée par cette possibilité de dénonciation du contrat d'abonnement si l'augmentation est estimée excessive ;

ATTENDU qu'à cet égard, l'annexe indicative à la loi du 1er février 1995 définit comme clause abusive celle qui a pour objet ou pour effet d'accorder aux fournisseurs de services le droit d'augmenter leurs prix sans que le consommateur n'ait de droit correspondant de rompre le contrat au cas où le prix final est trop élevé par rapport au prix convenu lors de la conclusion du contrat ; qu'à contrario, l'introduction d'une clause de révision du prix dans un contrat de téléphonie mobile ne constitue pas pour autant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dès lors que demeure cette faculté de résiliation du contrat ;

ATTENDU qu'à l'aune de l'ensemble de ces éléments, il convient de débouter Anne-Marie D de sa demande de dommages-intérêts au titre du caractère abusif de la modification unilatérale du prix de son abonnement.

4. Sur les dépens et l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

ATTENDU que chacune des parties succombe partiellement à l'instance ; qu'au regard de l'équité, il convient toutefois de condamner la société SFR à l'intégralité des dépens et de dire en conséquence n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

CONSTATE que la publicité portant sur le forfait de communication téléphonique "heures soirs et week-ends gratuits" proposé par la société SFR présente un caractère mensonger,

CONDAMNE la société SFR au paiement d'une somme de 12 Euros à Anne-Marie D à titre de dommages-intérêts,

DEBOUTE Anne-Marie D de sa demande de dommages-intérêts au titre de la clause de révision du prix introduite dans le contrat,

CONDAMNE la société SFR aux dépens,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Ainsi jugé et prononcé à PERIGUEUX, le 28 juin 2002,

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier,

Rédacteur : Jérôme BOURRIER, auditeur de justice.

LE GREFFIER.
(signé)

LE PRÉSIDENT.
(signé)

 

accueil | haut de la page | version graphique