COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

3ème chambre

ARRÊT N° 515

DU 19 OCTOBRE 2001

R.G. N° 99/04213

AFFAIRE :

UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS - U.F.C. QUE CHOISIR

C/

Sté S.F.R.

Appel d'un jugement rendu le 17 Mars 1999 par le T.G.I. de NANTERRRE (1 ère chambre A)

Expédition exécutoire
Expédition
Copie délivrées le : 19/10/2001
à :
SCP DEBRAY - CHEMIN
SCP LISSARRAGUE-DUPUIS & ASSOCIES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE UN,

La cour d'appel de VERSAILLES, 3ème chambre, a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique,

La cause ayant été débattue à l'audience publique du 21 Septembre 2001, DEVANT : Madame Dominique GUIRIMAND, président chargé du rapport, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile,

assisté de Madame Michèle MOREAU, greffier,

Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la cour, dans son délibéré, celle-ci étant composée de

Madame Dominique GUIRIMAND, président, Madame Françoise SIMONNOT, conseiller, Monsieur François GRANDPIERRE, conseiller,

et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, DANS L'AFFAIRE,

ENTRE:

UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS - U.F.C. QUE CHOISIR, association de consommateurs agréée

11, rue Guénot 75001 PARIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

CONCLUANT par la SCP DEBRAY - CHEMIN, avoués près la cour d'appel de VERSAILLES

PLAIDANT par maître BRASSEUR, avocat au barreau de GRENOBLE

APPELANTE
 
 

ET

Société S.F.R. (SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE)
1, place Carpeaux
92915 PARIS LA DEFENSE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

CONCLUANT par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS & ASSOCIES, avoués près la cour d'appel de VERSAILLES

PLAIDANT par maître BENARD substituant maître LENOIR de la SCP ARCHIBALD, avocat au barreau de NANTERRE (728)

INTIMEE - APPEL INCIDENT

 

 

FAITS ET PROCEDURE

L'Association "UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - U.F.C. QUE CHOISIR", ci-après dénommée U.F.C. QUE CHOISIR, a interjeté appel du jugement rendu le 17 mars 1999 par le tribunal de grande instance de NANTERRE qui, sur son assignation tendant à voir déclarer abusives ainsi qu'à supprimer quatorze clauses figurant dans les contrats proposés aux consommateurs par la SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE, dite S.F.R., et à obtenir diverses réparations, a

- déclaré abusives et réputées non écrites plusieurs clauses, dans la version du contrat du mois de septembre 1997 (2.11, 8.2 et 8.4, 9.1, 11.1, 11.25ème alinéa, 13.2 - 2ème alinéa, et 14.2- 2ème alinéa),

- déclaré irrecevable l'action en suppression de la clause 8.5,

- déclaré irrecevable la demande de dommages-et-intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société S.F.R. à payer à l'U.F.C. QUE CHOISIR la somme de 20.000,00 francs (3.048,98 euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

L'Association appelante, qui déclare limiter son recours au refus du tribunal de faire droit à sa demande de dommages-et-intérêts et de publication, prie la cour de condamner la société S.F.R. à lui verser une indemnité de 250.000,00 francs (38.112,25 euros), étant recevable à prétendre à une telle réparation, pour le préjudice direct ou indirect causé à l'intérêt collectif des consommateurs, et de faire droit à sa demande de publication de l'arrêt à intervenir dans les journaux LE MONDE, LE FIGARO et LIBERATION, à concurrence de 30.000,00 francs (4.573,47 euros) par insertion.

Elle précise que si l'intimée prétend avoir adressé un nouveau contrat à tous ses abonnés, elle n'en justifie nullement, ne communiquant notamment aucune copie de lettre adressée à un abonné antérieure à la modification de son contrat.

Elle sollicite en outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile (20.000,00 francs, soit 3.048,98 euros).

Elle ajoute que l'appel incident et les demandes formés par S.F.R. sont irrecevables puisque le contrat proposé aux consommateurs a été modifié depuis la décision de première instance, et que la société n'a pas relevé appel principal du jugement.

La société S.F.R., appelante incidente, prie la cour de dire et juger que l'action de l'U.F.C. est irrecevable, faute d'intérêt actuel, puisque les contrats à ce jour proposés aux consommateurs ont été modifiés, et en tout cas, mal fondée.

Elle prie la cour, en toute hypothèse, de déclarer irrecevables les demandes en nullité formulées par l'U.F.C. QUE CHOISIR, s'agissant des clauses contenues dans les conditions générales d'abonnement de novembre 1995 et d'octobre 1996.

Elle conclut à la confirmation du jugement, en celles de ses dispositions ayant déclaré irrecevables les demandes de dommages-et-intérêts et de publication présentées par l'U.F.C., en ajoutant que l'U.F.C. QUE CHOISIR ne justifie pas, au surplus, du quantum du préjudice dont elle demande la réparation.

Elle sollicite la somme de 50.000,00 francs (7.622,45 euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et la condamnation de l'U.F.C. en tous les dépens.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 13 septembre 2001.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DECISION

I - SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL INCIDENT DE LA SOCIETE S.F.R.

Considérant que l'U.F.C. QUE CHOISIR ne saurait soutenir que l'appel de la société S.F.R. est irrecevable puisque le jugement a été exécuté, dès lors que l'appel de cette société, qui est un appel incident, a été relevé à l'encontre d'un jugement revêtu de l'execution provisioire ;

II - AU FOND

Considérant que, dans ses écritures en première instance, l'U.F.C. QUE CHOISIR avait critiqué certaines des clauses figurant, sous des numéros différents, dans les versions des contrats de novembre 1995, d'octobre 1996, de mars 1997 et de septembre 1997 ;

Considérant que le tribunal a relevé que les clauses dénoncées par l'U.F.C. - QUE CHOISIR se retrouvaient en des termes identiques dans les quatre versions du contrat proposé par S.F.R. aux consommateurs depuis le mois de novembre 1995 ;

Que les premiers juges ont ajouté que l'U.F.C. QUE CHOISIR était fondée à critiquer les clauses qui, dans des termes semblables, avaient été formulées par S.F.R. dans les différentes versions du contrat ;

Que cette analyse doit être approuvée, dès lors que, -compte tenu de la reprise de clauses identiques dans les versions successives du contrat, fût-ce sous une numérotation distincte-, elle ne contrevient nullement aux dispositions de l'article L 421-6 du code de la consommation qui permettent aux associations de consommateurs agréées de demander la suppression de clauses abusives dans les modèles de conventions " habituellement proposés" ;

Que tel étant le cas en la circonstance, les conclusions de la société S.F.R., en ce qu'elles tendent à voir déclarer irrecevables les demandes présentées pour les clauses relatives aux conditions d'abonnement des mois de novembre 1995 et d'octobre 1996, doivent être écartées ;

Considérant que la société S.F.R. indique que les demandes présentées par l'U.F.C. QUE CHOISIR sont également irrecevables, en ce qui concerne la version 1997 du contrat, puisque, depuis le jugement, le contrat litigieux a été modifié ;

Mais considérant qu'il convient de relever que l'action de l'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - QUE CHOISIR n'a pas été engagée sur le fondement de l'article L 421-7 du code de la consommation qui ne concerne que l'intervention des associations en justice, lorsque la demande initiale a pour objet la réparation d'un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs à raison de faits non constitutifs d'une infraction pénale ;

Que contrairement à ce que soutient la SOCIETE FRANÇAISE DE RADIOTELEPHONE - S.F.R., l'action et les demandes de L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - U.F.C. QUE CHOISIR, agissant à titre principal aux fins de suppression de clauses abusives sur le fondement de l'article L 421-6 du code de la consommation, demeurent recevables, même si, comme il est allégué par l'intimée, les clauses du contrat critiqué ont été modifiées postérieurement au jugement, en tenant compte de cette décision, au demeurant assortie de l'exécution provisoire ;

Que l'argumentation de la société S.F.R. ne peut être accueillie ;

Considérant que le jugement déféré n'est pas discuté par l'U.F.C. QUE CHOISIR en ses dispositions relatives aux clauses générales du contrat d'abonnement aux services de radiotéléphonie de la société S.F.R., telles qu'appréciées par les premiers juges ;

Que le tribunal a déclaré abusives les clauses, dans la version du contrat datant de septembre 1997, concernant :

- la faculté discrétionnaire réservée à l'opérateur de modifier sans préavis le numéro d'appel,

- la faculté d'émettre des factures intermédiaires ou de faire varier la périodicité de leur émission, normalement mensuelle,

- les renseignements relatifs à la taxation S.F.R., servant de mode de preuve en cas de litige avec l'abonné,

- le versement d'un dépôt de garantie, pouvant varier en fonction de nouvelles techniques de gestion,

- l'exonération de responsabilité pour tout dysfonctionnement ayant pour origine ses agissements ou ceux des tiers,

- les cas de résiliation sans indemnisation en faveur de l'abonné.

Considérant que l'association U.F.C. QUE CHOISIR remet seulement en discussion la décision des premiers juges relative à sa demande en dommages-et-intérêts présentée sur le fondement de l'article L 421-6 du code de la consommation, et à sa demande de publication ;

Considérant que le tribunal a estimé que si l'article L 421-1 dudit code reconnaissait aux associations agréées la faculté d'exercer les droits reconnus à la partie civile pour les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs, et s'il admettait pleinement le droit d'agir dans le cas où un tel intérêt était lésé par une infraction pénale, l'article L 421-6 du même code, en revanche, n'autorisait leur action en l'absence d'infraction pénale que pour demander la suppression des clauses abusives, tandis que l'article L 421-7 dudit code avait pour seul objet l'intervention d'une association agréée devant les juridictions civiles au soutien d'une action engagée par un ou plusieurs consommateurs ;

Mais considérant qu'une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander devant les juridictions civiles la réparation de tout préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ;

Que l'U.F.C. QUE CHOISIR est une association agréée au sens de l'article L 411-1 du code de la consommation ;

Que dès lors qu'il est constant que plusieurs des clauses du contrat proposé par la société S.F.R. étaient abusives, la conclusion de contrats comportant de telles clauses jusqu'à leur modification-, a nécessairement porté atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs ; que l'association appelante doit, pour assurer la défense de ces derniers, relayer leur action auprès des pouvoirs publics, et engager pour ce faire des moyens importants ;

Que la cour dispose d'éléments lui permettant de fixer à 100.000,00 francs (15.244,90 euros) le montant des dommages-et-intérêts propres à réparer le préjudice causé, en la circonstance, à l'intérêt collectif des consommateurs que l'association appelante est chargée de défendre, au regard de l'importance du déséquilibre créé en faveur de la société S.F.R. par les clauses abusives dénoncées ;

Considérant, en ce qui concerne la publication de la décision, sollicitée en application de l'article L 421-9 du code de la consommation, que cette mesure est nécessaire pour l'information du public, la radiotéléphonie concernant un large marché de consommateurs, très exposé aux éventuels abus de professionnels ; qu'il n'est pas démontré que l'atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs ait été à ce jour intégralement réparé ainsi que le soutient la société S.F.R., et que, dans ces conditions, la publication du présent arrêt constitue une réparation appropriée ;

Qu'il conviendra d'ordonner la publication de la présente décision, dans les journaux LE MONDE, LE FIGARO et LIBERATION, à concurrence de 30.000,00 francs (4.573,47 euros) par insertion ;

Que le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens, qui sont justifiées ;

Que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code précité en cause d'appel, en faveur de l'U.F.C. QUE CHOISIR, à hauteur de 10.000,00 francs (1.524,49 euros) ;

Que la société S.F.R. doit être condamnée aux dépens d'appel, dans les conditions visées au dispositif ci-après ;

 

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Reçoit les appels formés,

Confirme le jugement en ses dispositions portant condamnation de la SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE, dite S.F.R., en application de l'article L 421-6 du code de la consommation autorisant la suppression de clauses abusives dans les modèles de conventions habituellement proposés aux consommateurs, ainsi qu'en celles relatives à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens,

Le réforme en ses dispositions concernant les demandes de dommages-et-intérêts et de publication de la décision présentées par L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - U.F.C. QUE CHOISIR,

Et statuant à nouveau sur ces points

Condamne la SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE - S.F.R. à verser à L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - U.F.C. QUE CHOISIR la somme de 100.000,00 francs (15.244,90 euros) à titre de dommages-et-intérêts, ainsi que la somme complémentaire de 10.000,00 francs (1.524,49 euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

Ordonne, aux frais de la SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE - S.F.R., la publication du présent arrêt dans les journaux LE MONDE, LE FIGARO et LIBERATION, à concurrence de 30.000,00 francs (4.573,47 euros) par insertion,

Condamne la SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE - S.F.R. aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés en priorité au profit de la SCP DEBRAY CHEMIN, titulaire d'un office d'avoué, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Arrêt prononcé par madame GUIRIMAND, président,

Assisté de madame MOREAU, greffier,

Et ont signé le présent arrêt,
Madame GUIRIMAND, président, 
Madame MOREAU, greffier.


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