Les quatorze clauses incriminées par l'U.F.C.
Que Choisir se retrouvent dans des termes identiques dans les quatre versions
du contrat proposé par SFR aux consommateurs depuis Novembre 1995.
Seul l'emplacement de ces clauses dans le contrat et leur numérotation
diffèrent dans chacune des versions.
SFR soutient que l'U.F.C. Que Choisir ne serait pas recevable à
critiquer les versions de Novembre 1995 et Octobre 1996 du contrat d'abonnement
au motif que ceux-ci, au jour de la saisine du tribunal, ne représentaient
plus le modèle de convention habituellement proposé par
le professionnel au consommateur au sens de l'article L 421-6 du code
de la consommation.
Cependant, l'expression "habituellement proposés" employée
par le législateur doit s'entendre par opposition au contrat qui
serait exceptionnellement proposé au consommateur, de façon
isolée et dérogatoire à la norme contractuelle définie
par le professionnel et imposée à l'adhésion du consommateur.
En décider autrement au profit d'une interprétation qui
prendrait l'expression "habituellement proposés" au sens de "actuellement
proposés" reviendrait à soustraire à la critique
des modèles de convention continuant à produire des effets
juridiques entre le professionnel et ses cocontractants.
Elle introduirait ainsi une inégalité entre les consommateurs
dont les contrats en cours, identiques en réalité, connaîtraient
un sort différent selon un événement parfaitement
aléatoire (la date de saisine du tribunal), résultat qui
serait certainement contraire à la volonté du législateur.
Dès lors l'U.F.C. Que Choisir apparaît bien fondée
à critiquer les clauses qui, dans des termes semblables, ont été
proposées par SFR à ses cocontractants dans les différentes
versions du modèle de convention proposée.
Le tribunal examinera successivement la validité des quatorze
clauses incriminées au regard des dispositions législatives
et réglementaires (L 132.1, R 132.2 du code de la consommation)
qui imposent de rechercher pour chacune d'entre elles si elle a pour objet
ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un
déséquilibre significatif entre les droits et obligations
des parties au contrat.
La numérotation adoptée par le tribunal correspond à
la version Septembre 1997 du modèle de convention.
L'article 2 du contrat est relatif au conditions d'accès au réseau
L'U.F.C. Que Choisir critique la clause 2.11 suivante
"Pour des raisons d'organisation ou d'exploitation de ses services
de radiotéléphonie publique, SFR se réserve le droit
de modifier le numéro d'appel, après en avoir avisé
l'abonné, sans que celui-ci puisse s'y opposer."
Le numéro d'appel est un élément substantiel de
la prestation de service. Sa stabilité est essentielle car il participe
de l'identité de l'abonné à l'égard des tiers.
Ainsi, la faculté discrétionnaire que se réserve
SFR de le modifier sans préavis permettant à l'abonné
de prévenir ses correspondants, sans compensation, sans lui garantir
la permanence d'un radical, instaure au détriment du consommateur
un déséquilibre significatif caractéristique de l'abus.
Cette clause sera donc réputée non écrite dans toutes
les versions du contrat qui la comporte.
L'article 7 est relatif aux obligations de l'abonné.
L'U.F.C. Que Choisir critique les clauses 7.2 et 7.6 suivantes
- 7.2 : "L'abonné s'engage à prévenir
SFR de tout changement d'adresse dans un délai maximum d'une semaine.
A défaut, celui-ci est inopposable à U.F.C. Que Choisir
sans préjudice de l'application de l'article 10. "
- 7.6 : "L'abonné est seul responsable de
l'utilisation, conforme à son usage et de la conservation de la
carte SIM et s'engage à 1a restituer aux fins de remplacement sur
simple demande de SFR, dans les cas prévus à l'article 5
ou en cas de résiliation du présent contrat, quelle qu'en
soit 1a cause."
L'U.F.C. Que Choisir reproche à la clause 7.2 de
faire référence à l'article 10 qui réserve
à SFR le droit de suspendre immédiatement et sans préavis
l'accès aux services souscrits par l'abonné.
Le contrat d'abonnement est un contrat synallagmatique qui doit être
exécuté de bonne foi par l'abonné dont l'obligation
essentielle est de payer sa consommation et de fournir au prestataire
de services les éléments nécessaires pour percevoir
ce paiement.
Le délai de huit jours prévu pour avertir son cocontractant
d'un renseignement essentiel à la bonne exécution du contrat
apparaît raisonnable en raison de la banalité de la démarche
à accomplir.
La mesure de suspension qui sanctionne son inobservation n'apparaît
pas disproportionnée à la gravité du manquement.
II doit être noté que cette mesure est temporaire, révocable
et que l'abonné recouvre ses droits dès qu'il a satisfait
à ses obligations.
Cette clause n'engendre donc aucun déséquilibre significatif
au détriment du consommateur.
Selon l'U.F.C. Que Choisir, la clause 7.6 permettrait à
tout moment à SFR de modifier les caractéristiques techniques
du service proposé par le biais du microprocesseur, ce qui est
contesté par SFR qui prétend que l'U.F.C. Que Choisir opère
une confusion entre le service contractuellement convenu et les moyens
techniques d'accès à ce service.
L'article 5 du contrat précise que la carte SIM est une carte
à microprocesseur à laquelle est associé le numéro
d'appel. Elle permet l'accès au service SFR de base.
La seule documentation technique produite par l'U.F.C. Que Choisir à
l'appui de sa démonstration émane de SFR. II y est précisé
que la carte SIM contient en mémoire l'ensemble des paramètres
de l'abonnement et permet l'identification ainsi que la connexion du téléphone
au réseau.
Cette seule précision apparaît insuffisante au tribunal
pour lui permettre de suivre l'U.F.C. Que Choisir dans son raisonnement
et affirmer sans risque d'erreur que le retrait de la carte SIM entraîne
une possibilité de modification unilatérale du service proposé
au détriment du consommateur.
La critique de l'U.F.C. Que Choisir est insuffisamment nourrie pour être
validée par le tribunal.
L'article 8 du contrat est consacré à ses conditions
financières.
II est critiqué en ses cinq clauses par l'U.F.C. Que Choisir.
- La première clause permet à SFR de modifier
ses tarifs de façon discrétionnaire.
Cependant, contrairement à ce qui est soutenu par l'U.F.C. Que
Choisir, l'abonné tient de l'article 14.1 la faculté de
résilier son abonnement, cette résiliation prenant effet
immédiatement.
En outre, lorsque l'abonné résilie pendant la période
initiale de douze mois suite à une hausse de tarifs, il n'est redevable
d'aucune pénalité.
Dès lors, aucun déséquilibre significatif au détriment
du consommateur ne résulte de cette clause.
- La deuxième clause prévoit pour SFR la
faculté d'émettre des factures intermédiaires ou
de faire varier la périodicité de leur émission,
normalement mensuelle.
SFR justifie cette faculté par la notion de lot de facturation
en cas de multiplicité d'abonnement.
Cependant, aucun obstacle n'empêche SFR d'inclure cette notion
dans le contrat et de la porter ainsi à la connaissance de l'abonné.
En l'état de sa rédaction, la clause permet de façon
unilatérale et sans contrepartie apparente pour le consommateur,
de modifier les modalités de paiement du service au profit du professionnel.
Faisant apparaître un déséquilibre significatif au
détriment du consommateur, elle est abusive.
- La troisième clause est relative au taux de l'intérêt
de retard applicable en cas de non paiement des sommes dues par l'abonné,
ce taux étant égal à une fois et demie le taux d'intérêt
légal.
Ce taux, largement inférieur au taux de l'usure n'apparaît
pas disproportionné par rapport à la faute de l'abonné,
qui en justifie l'application.
La clause n'apparaît pas abusive.
- La quatrième clause a pour objet les modes de
preuve applicables en cas de litige avec l'abonné.
Elle précise que les renseignements de taxation servant de base
à la facturation priment sur tout autre élément de
preuve.
Une telle clause institue une présomption irréfragable
au profit du professionnel.
Elle aboutit en réalité à interdire au consommateur
de contester la taxation servant de base à sa facturation.
Cet avantage confère au professionel, sans aucune contrepartie
pour le consommateur et au contraire à son détriment établit
un déséquilibre significatif entre les parties qui confère
à cette clause un caractère abusif.
- La cinquième clause fait supporter à l'abonné
les frais exposés pour recouvrer une facture impayée.
L'U.F.C. Que Choisir en relève le caractère illicite au
regard de l'article 32 alinéa 3 de la loi du 9 Juillet 1991.
L'article L 421-2 autorise les associations de consommateurs à
demander la suppression d'une clause illicite à la juridiction
civile statuant sur l'action civile, ou à la juridiction répressive,
statuant sur l'action civile.
Le présente action étant exercée en dehors de ce
cadre, la demande en annulation d'une clause illicite est irrecevable,
comme le soutient à bon droit SFR.
L'article 9 du contrat a pour objet le dépôt de garantie/avance.
- La clause 9.1 réserve à SFR le droit de demander
à l'abonné, à la conclusion du contrat et à
tout moment au cours de son exécution, le versement d'un dépôt
de garantie dans un nombre de cas énumérés de façon
non limitative et susceptible d'être élargis au vu de nouvelles
techniques de gestion.
En outre, elle reconnaît à SFR le droit de prendre des mesures
conservatoires pouvant aller jusqu'à la suspension de la ligne
de l'abonné.
Les stipulations de cet article permettent au professionnel de modifier
les obligations du consommateur et de les alourdir de façon unilatérale,
sans que la liste purement indicative des cas dans lesquels ces modifications
interviennent, permette de s'assurer qu'elles sont en relation et proportionnées
à une inexécution par l'abonné de ses propres obligations
et qu'elles ne sont pas dictées par l'intérêt propre
du professionnel.
Par son caractère unilatéral et discrétionnaire,
cette clause introduit un déséquilibre significatif au détriment
de l'abonné. Elle apparaît abusive.
L'article 10 du contrat est relatif à la suspension/interruption
des services.
L'U.F.C. Que Choisir critique la clause 10.1, en ce qu'elle
permet au professionnel de ne plus exécuter ses obligations immédiatement
et sans préavis, pour tout motif, quelle que soit la gravité
de l'inexécution reprochée à l'abonné.
Le tribunal relève que la clause litigieuse énumère
les cas dans lesquels SFR a la possibilité de suspendre ses prestations.
Ils correspondent à des manquements de l'abonné à
ses obligations.
La mesure de suspension que peut prendre SFR n'est pas du domaine de
l'arbitraire.
En outre, la régularisation par l'abonné de sa situation
lui permet d'obtenir le rétablissement du service.
Les articles 11 et 13 traitent respectivement de la responsabilité
de SFR et de la force majeure.
L'U.F.C. Que Choisir critique les clauses 11.1, 11.2 - 5ème alinéa,
13.2 - 2ème alinéa, ci-dessous reproduites, aux motifs qu'elles
permettent à SFR de se dégager de ses obligations sans avoir
à réparer le préjudice subi par le consommateur et
qu'elles étendent de façon abusive la notion de force majeure.
- 11.1 : "L'abonné déclare avoir été
informé et accepter expressément que les services puissent
être perturbés voir interrompus momentanément ou localement
en cas de travaux techniques d'entretien, de renforcement ou d'extension
sur le réseau GSM, sur l'un des systèmes auxquels ledit
réseau est connecté, ou en cas d'aléas de propagation
liés à la transmission des signaux radioélectriques."
- 11.2 - 5ème alinéa : "- en cas de
perturbations ou d'interruptions dans la fourniture ou l'exploitation
des moyens de télécommunication fournis par le ou les exploitant(s)
des réseaux auxquels sont raccordées les installations de
SFR. "
- 13.2 - 2ème alinéa : "- un dysfonctionnement
total ou partiel résultant de perturbations ou d'interruptions
dans la fourniture ou l'exploitation des moyens de télécommunication
fournis par le ou les exploitants de réseaux, ou des serveurs exploités
par des sociétés tierces, auxquels est connecté le
réseau servant de support au(x) service(s)."
L'ensemble de ces stipulations
organise un régime d'exonération de la responsabilité
de SFR pour tout dysfonctionnement ayant pour origine ses propres
agissements ou ceux de tiers, sans ces derniers revêtent le caractère
d'imprévisibilité inhérent à la force majeure.
Aucune contrepartie n'est prévue au profit du consommateur victime
du dysfonctionnement alors que des contrats d'abonnement concurrents ont
prévu par exemple une suspension du paiement de l'abonnement ou
une remise sur l'abonnement dès lors que le trouble dure plusieurs
jours.
En l'état de leur rédaction actuelle, ces clauses apparaissent
empreintes d'un déséquilibre significatif au détriment
du consommateur qui justifie qu'elles soient reconnues comme abusives.
Enfin, l'article 14 est consacré à la fin du contrat
et sa résiliation.
L'U.F.C. Que Choisir critique la clause 14.2 qui énumère
les cas dans lesquels le contrat d'abonnement peut être résilié
par SFR sans que l'abonné puisse prétendre à une
quelconque indemnisation.
La sanction de la résiliation apparaît évidemment
abusive lorsqu'elle intervient à la suite du non respect d'une
clause elle-même jugée abusive comme c'est le cas au deuxième
alinéa de la clause 14.2 qui vise le "non règlement du
dépôt de garantie ou de l'avance sur consommation visé
à l'article 9".
Pour le surplus, le tribunal relève soit que la résiliation
sanctionne l'inexécution d'obligations essentielles dans le contrat
(fausse déclaration... article 7) et que la sanction est dans ce
cas proportionnée, soit qu'elle est subordonnée à
l'envoi préalable d'une mise en demeure (non paiement des sommes
dues à SFR).
Il doit en outre être observé que dans tous les cas la résiliation
n'est qu'une faculté pour SFR et que l'abonné conserve lui-même
une faculté de résiliation du contrat à l'issue d'un
an.
Ainsi, à l'exception du deuxième alinéa de cette
clause, celle-ci n'introduit pas dans le contrat, au détriment
du consommateur un déséquilibre significatif.
L'U.F.C. Que Choisir fonde sa demande en dommages et intérêts
sur les dispositions de l'article L 421.6 du code de la consommation dont
SFR prétend qu'elles sont exclusives d'une telle demande.
Comme l'a précédemment jugé la Cour d'Appel de VERSAILLES,
si l'article L 421.1 du code de la consommation qui reconnaît aux
associations agréées la faculté d'exercer les droits
reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice
direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs,
admet pleinement leur droit d'agir si un tel intérêt a été
lésé par une infraction pénale, l'article L 421.6
n'autorise, en revanche, leur action en l'absence d'infraction pénale
que pour demander la suppression des clauses abusives, l'article L 421.7
ayant pour objet l'intervention d'une association agréée
devant les juridictions civiles au soutien d'une action engagée
par un ou plusieurs consommateurs.
En l'espèce, en l'absence de toute infraction pénale, l'U.F.C.
Que Choisir est irrecevable dans sa demande de dommages et intérêts.
La publication de la décision apparaît une mesure disproportionnée
par rapport à la gravité des infractions commises par SFR
à l'article L 131.2 du code de la consommation.
II n'y a pas lieu de l'ordonner.
L'exécution provisoire n'est pas incompatible avec la nature de
l'affaire. Elle est nécessaire et sera ordonnée.
Les conditions d'application des dispositions de l'article 700 du nouveau
code de procédure civile sont réunies au profit de l'U.F.C.
Que Choisir à laquelle il sera alloué la somme de 20.000
francs.
PAR CES MOTIFS,
Déclare recevable l'action en suppression de clauses abusives
dirigée par l'U.F.C. Que Choisir contre les versions de Novembre
1995, Octobre 1996, Mars et Septembre 1997, des conditions générales
d'abonnement aux services de radiotéléphonie de la société
SFR.
Déclare abusives et réputé non écrites, dans
chacune de ces versions, les clauses suivantes, énoncées
selon leurs références dans la version de Septembre 1997
-2.11
-8.2
-8.4
-9.1
- 11.1
- 11.2 - 5ème alinéa
- 13.2 - 2ème alinéa
- 14.2 - 2ème alinéa.
Déclare irrecevable l'action en suppression de la clause 8.5
(référence contrat Septembre 1997).
Déclare irrecevable l'action de l'U.F.C. Que Choisir en paiement
de dommages et intérêts.
Ordonne l'exécution provisoire.
Condamne la société SFR à payer à l'U.F.C.
Que Choisir la somme de 20.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau
code de procédure civile.
Condamne la société SFR aux dépens et autorise la
SCP BISSON, CHAMPION-GRILLOT, avocats, à les recouvrer directement
conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure
civile.
Fait et jugé à NANTERRE, le 17 Mars 1999.
LE GREFFIER, LE
PRESIDENT,
(signé) (signé)