N° 23
du 16 Février 2007
18ème CHAMBRE RG : 06/00141 ESSER Franck

 

 

 

 

 

 

 

 

POURVOI
formé le 16.02.07 par M. C.
Rejet le 06. 05.08 DéCISION
voir dispositif

 

 

 

BORDEREAU N° du

 

 

 

 

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Arrêt prononcé publiquement par Madame GIRERD, Conseiller, faisant fonction de Président de la 18ème chambre des appels correctionnels, désignée par ordonnance de M. Le Premier Président de la Cour d'Appel de VERSAILLES, STATUANT A JUGE UNIQUE, en application de l'article 547 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 09/03/2004 assistée de Madame CONTE, greffier,

en présence du ministère public,

rendu le SEIZE FéVRIER DEUX MILLE SEPT,

sur appel d'un jugement du Tribunal de Police de PUTEAUX en date du 27 octobre 2005.

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, du délibéré et au prononcé de l'arrêt,

PRéSIDENT: Madame GIRERD,
GREFFIER : Madame CONTE, greffier,
MINISTèRE PUBLIC : Monsieur RENAUT, avocat général, lors des débats, Madame BLOT, substitut général, lors du prononcé.

PARTIES EN CAUSE

PRÉVENU

- ESSER Franck
Filiation inconnue

: le 05 Septembre 1958 à ERKELENZ (ALLEMAGNE)
demeurant : Société SFR 42, Avenue de Friedland 75008 PARIS
Profession : Directeur général ; nationalité : allemande ; situation familiale : inconnue;

Jamais condamné, libre,

Non comparant, représenté par Maître BARATELLI Olivier, avocat au barreau de PARIS, muni d'un pouvoir de représentation (Conclusions).

CIVILEMENT RESPONSABLE

- La Société SFR CEGETEL
42, Avenue de Friedland - 75008 PARIS

Représentée par Maître BARATELLI Olivier, avocat au barreau de PARIS (Conclusions).

PARTIE CIVILE

C A
Demeurant - 92800 PUTEAUX

Comparant, assisté de Maître ABADIE Jean-Baptiste, avocat au barreau de PARIS (Conclusions).

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

LE JUGEMENT :

Par jugement contradictoire en date du 27 octobre 2005, le Tribunal de Police de PUTEAUX, statuant sur les poursuites exercées à l'encontre de ESSER Franck pour des faits de :

OPPOSITION A L'EXERCICE DU DROIT D'ACCES A UNE INFORMATION NOMINATIVE, de courant 2003 à courant 2004, à LA DéFENSE, infraction prévue par l'article 1 3° du Décret 81-1142 DU 23/12/1981, les articles 34, 35 de la Loi 78-17 DU 06/01/1978 et réprimée par l'article 1 AL.1, AL.2 du Décret 81-1142 du 23/12/1981;

Sur l'action publique :

- a déclaré l'action publique prescrite ;

Sur l'action civile :

- a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de C, A.

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :
- Monsieur C le 03 Novembre 2005.

Appel incident a été interjeté par :
- Monsieur le procureur de la République, le 04 Novembre 2005.

DÉROULEMENT DES DÉBATS

A l'audience publique du 16 juin 2006, l'affaire a été renvoyée contradictoirement au 17 novembre 2006 ;

A l'audience publique du 17 novembre 2006, l'affaire a été renvoyée par arrêt contradictoire au 19 janvier 2007 ;

A l'audience publique du 19 Janvier 2007, Madame le Président a constaté l'absence du prévenu qui est représenté par son conseil ;

Ont été entendus :

Madame GIRERD, Président, en son rapport,

Maître BARATELLI, avocat, a soulevé une exception qu'il a souhaité plaider in limine litis,

Sur l'exception soulevée,

Maître ABADIE, avocat, en sa plaidoirie,

Monsieur RENAUT, avocat général, en ses réquisitions,

La Cour a joint l'incident au fond,

Maître ABADIE, avocat, en ses plaidoirie et conclusions,

Monsieur RENAUT, avocat général, en ses réquisitions,

Maître BARATELLI, avocat, en ses plaidoirie et conclusions, lequel a eu la parole en dernier.

Madame le Président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience du 16 FéVRIER 2007 conformément à l'article 462 du code de procédure pénale.

DÉCISION

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la plainte déposée par Monsieur C auprès du procureur de la République du TGI de NANTERRE le 17 février 2004, Franck ESSER a été cité avec la Société SFR Cegetel, cette dernière en qualité de civilement responsable, à l'audience du 30 juin 2005 du tribunal de police de PUTEAUX, pour s'être, à LA DéFENSE, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, courant 2003 à 2004, opposé à l'exercice du droit d'accès à des informations nominatives de Monsieur A C en lui communiquant des informations qui ne se présentaient pas sous une forme directement intelligible et en refusant de répondre à ses demandes de communications ultérieures, contravention prévue par les articles 1er 3° du décret 81-1142 du 23 décembre 1981, 34 et 35 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 et réprimée par l'article 1 al. 1 et 2 du décret 81-1142 du 23 décembre 1981.

Le prévenu ayant soulevé la prescription de l'action publique, le tribunal, par jugement contradictoire du 27 octobre 2005 a déclaré l'action publique prescrite et la constitution de partie civile de Monsieur C irrecevable.

Le Tribunal a estimé en effet que les informations communiquées le 16 janvier 2003 par la Société SFR à la demande de Monsieur C, dont le caractère inintelligible est allégué, constituent l'élément constitutif de la contravention reprochée à la Société SFR, qu'il s'agit à l'évidence d'une infraction instantanée, et qu' il n'est pas justifié d'un acte interruptif de prescription dans le délai d'un an qui a suivi cet envoi.

Monsieur C a régulièrement interjeté appel le 3 novembre 2005.

Le Ministère Public a formé un appel incident le 4 novembre 2005, également recevable en la forme.

A l'audience du 19 Janvier 2007, à laquelle l'affaire a été examinée après divers renvois :

Monsieur ESSER et la Société SFR ont plaidé in limine litis à leur demande l'abrogation de la loi les incriminant, alors que le nouveau texte codifié dans l'article R 625-11-4° du code pénal étant plus rigoureux ne peut s'appliquer, argumentation rejetée par le Ministère Public au motif que si la loi visée dans la citation a été modifiée dans le cours de la procédure, l'incrimination subsiste et il appartient au juge du fond de faire application des principes généraux de la rétroactivité des lois.

A C a poursuivi l'infirmation de la décision entreprise, et sollicité la Cour :

- de statuer ce que de droit sur l'action publique,

- de condamner solidairement Franck ESSER et la Société SFR Cegetel au paiement d' l € symbolique en réparation du préjudice subi,

- d'enjoindre à la Société SFR Cegetel de lui communiquer l'ensemble des informations le concernant détenues dans les fichiers en langage clair, directement intelligible et accessible, lui permettant de pouvoir rectifier ou supprimer certaines informations,

- d'ordonner aux frais de la Société SFR Cegetel la publication de l'arrêt à intervenir dans l'organe de communication de la Société SFR ainsi que dans un autre journal de presse,

- de condamner solidairement Franck ESSER et la société SFR Cegetel au paiement de 1000€ au titre des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale et aux dépens.

Il a fait valoir que les données à caractère personnel ne lui ont jamais été communiquées sous une forme accessible, que les différents courriers de la Société SFR, refusant de faire droit à sa requête ont constitué autant d'infractions à la loi et subsidiairement, que la saisine de la CNIL, autorité administrative indépendante, est un acte interruptif de prescription.

Il a conclu que l'infraction est constituée et que Franck ESSER ne démontre pas qu'il ait accordé une délégation totale de pouvoir, que cette situation lui a causé un préjudice puisqu'il ne peut toujours pas exercer son droit d'opposition ou de modification sur les données le concernant.

Le Ministère Public a requis la confirmation du jugement du tribunal de police de PUTEAUX, estimant que l'action publique engagée plus d'une année après la réponse de l'opérateur téléphonique sans acte interruptif, que ne constituent pas les demandes d'informations complémentaires et la saisine de la CNIL, est prescrite.

Il a de surcroît considéré que l'infraction n'était pas constituée dès lors que les renseignements nominatifs avaient été clairement communiqués.

Franck ESSER et la Société SFR ont demandé à la Cour de confirmer la décision entreprise en constatant la prescription de l'action publique, faisant plaider que la Société a répondu à la demande de Monsieur C par courrier du 16 janvier 2003 ; que la prétendue infraction est instantanée ; qu'aucune nouvelle donnée n'a été communiquée ultérieurement; que la date du premier envoi marque donc le point de départ de la prescription qui n'a pas été interrompue par la saisine de la CNIL qui n'a qu'un caractère administratif.

Ils ont subsidiairement soutenu que la loi a été respectée, le contenu de la communication de données au plaignant étant parfaitement compréhensible, conforme aux enregistrements et adressé dans un délai raisonnable, alléguant enfin que la responsabilité de Franck ESSER ne saurait être recherchée alors qu'il a délégué ses pouvoirs au département compétent de la société SFR.

Sur l'application de la loi pénale dans le temps

             Considérant que la loi du 6 janvier 1978 et son décret d'application du 23 décembre 1981 visés dans la citation du prévenu et du civilement responsable en date des 12 mai 2005 et 31 mars 2005 ont été modifiés par la loi du 22 octobre 2005 intervenue en cours de procédure, que toutefois l'incrimination d'opposition aux demandes de communication des données à caractère personnel, sanctionnée par les peines prévues pour les contraventions de Sème classe demeure;

Qu'il appartient au juge, au vu de la nouvelle rédaction du texte d'incrimination, de faire application de la loi la plus douce conformément aux principes généraux d'application de la loi pénale dans le temps ;

Sur la prescription

Considérant que Monsieur C, titulaire d'un abonnement de téléphonie mobile auprès de la Société SFR Cegetel depuis le 1e` juin 1999, a, par courrier du 8 janvier 2003, sollicité auprès du service client de cette société la communication de l'intégralité des informations personnelles détenues dans ses fichiers manuels et informatisés, conformément aux dispositions des articles 39 et suivants de la loi du 6 janvier 1978 dite " informatique et liberté " ;

Que par courrier du 16 janvier 2003, la Société SFR Cegetel lui a fait parvenir - la liste des informations nominatives détenues au titre de son contrat,

- la liste des services que Monsieur C avait souscrits, encore en cours ou résiliés, avec les dates correspondantes,

- la liste des mémos saisis par les chargés de clientèle avec lesquels il avait été en contact et correspondant à l'historique des événements relatifs à l'exécution du contrat ;

Que s'en sont suivis des échanges de courriers entre les co-contractants, Monsieur C, protestant de ce que ces données n'étaient pas compréhensibles car "non traduites en langage clair et aisément décryptables", la Société SFR répliquant que ces informations étaient conformes aux enregistrements aisément compréhensibles et conformes aux exigences de la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) ;

Que cette commission, saisie par A C le 18 mars 2003 est intervenue auprès de la Société SFR Cegetel pour lui demander d'adresser à Monsieur C "une copie de toutes les données le concernant enregistrées dans les fichiers de la société, y compris celles qui figurerait dans les zones libres, bloc-notes ou commentaires, conformément aux dispositions des articles 34, 35 et 45 de la loi du 6 janvier 1978" ;

Que la Société SFR Cegetel a répondu qu'elle avait communiqué les données requises en langage aisément compréhensible et conforme aux enregistrements, précisant que "certains codes en abrégé ne comportaient pas de définition, car ils correspondaient aux touches de fonction de l'outil informatique et/ou à des codes utilisateurs qui ne concernaient pas le client et qui n'avaient pas lieu d'être communiqués" ;

Qu'elle maintenait cette position après nouvelle intervention de la CNIL qui rappelait que la signification de tout code ou sigle, dès lors qu'il se rapportait à des données personnelles, devait être précisée à la personne qui exerce son droit d'accès, et indiquait que les copies d'écran qui ont été communiquées à Monsieur C ne lui apparaissaient pas "aisément compréhensible" ;

Considérant que de ces développements, il ressort que la Société SFR Cegetel a communiqué les données qu'elle détenait sur C et l'historique de leurs relations commerciales à la date du 16 janvier 2003 ;

Que si cette communication n'a pas donné satisfaction au demandeur qui a estimé qu'elle n'était pas suffisamment intelligible, elle est seule de nature à matérialiser l'infraction reprochée ;

Qu'aucune autre donnée n'a été communiquée ultérieurement, les courriers adressés par SFR Cegetel à son client n'ayant eu pour objet que de réaffirmer au plaignant que la communication intervenue était conforme aux exigences de la loi ; que la nature de ces correspondances exclut que chacune caractérise une nouvelle infraction, ainsi que tente de le faire valoir A C dans ses conclusions ;

Que la contravention d'opposition à l'exercice du droit d'accès, imputée à Franck ESSER et à la Société SFR Cegetel, à la supposer établie, était par conséquent constituée le 16 janvier 2003, qu'à défaut d'autres communications, cette date fait courir le délai de prescription;

Que la CNIL, autorité administrative indépendante du pouvoir judiciaire, saisie par courrier du 18 mars 2003, n'a accompli, en rappelant à la Société SFR Cegetel ses obligations au regard de la loi, que des diligences d'ordre purement administratif, et en dehors de la direction du Ministère Public : que ces actes ne sauraient être qualifiés d'actes d'instruction ou de poursuite interrompant la prescription ;

Que le premier acte de poursuite du Parquet, consistant en une demande d'enquête, date du 9 avril 2004 : qu'aucun acte d'instruction n'ayant interrompu le délai, il y a lieu de constater que l'action publique était à cette date prescrite ;

Que c'est exactement que le tribunal a statué en ce sens et rejeté la constitution de partie civile de Monsieur C ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement et contradictoirement,

En la forme,

Déclare les appels recevables ;

Au fond,

Sur l'action publique :

REJETTE le moyen tiré de l'abrogation du décret du 23 décembre 1981 ;

Vu l'article 9 du Code de procédure pénale,

CONFIRME le jugement en ses dispositions ayant déclaré l'action publique prescrite ;

Sur l'action civile :

CONFIRME le jugement entrepris.

Et ont signé le présent arrêt, Madame GIRERD, Président, et Madame CONTE, greffier.

LE GREFFIER,
(signé)

LE PRÉSIDENT.
(signé)